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26 septembre 2008

Amarun

« Il y eu un temps où les créatures ne savaient pas communiquer entre elles. Le poisson jaillissait hors de l'eau, les feuilles ne savaient pas s'accrocher aux branches de l'arbre, les nuages pleuvaient sur les eaux et les eaux s'enfuyaient vers le ciel. Les hommes et les femmes erraient dans ce désordre. Toutes les créatures se sentaient seules et isolées.
Dans le lac salé de Huasipungo était un oeuf, un gigantesque oeuf d'or. Dans cet oeuf, en gestation, était Amarun, la grande mère Anaconda, qui dans son sommeil prénatal, apprenait tous les langages. Le langage du poisson, des eaux, des nuages, des feuilles et des arbres, des hommes et des femmes. »

 Après avoir traversé la Colombie, Priscilia et moi avons ouvert cette première étape de la mission en arrivant le vendredi 19 septembre à Colón Putumayo, pour une semaine de découverte et de re-prise de contact sur les terres de la Fondation BYAE, activée par l'heureuse présence ici de Karla Velasco, présidente de l'association. Malgré une grippe assaisonnée, nous avons réussi le challenge, épique dans ces régions, de nous mettre au travail sans attendre ni paresser en longues fascinations exotiques. La grippe va mieux, à l'heure d'écrire cet article.  

L'objectif de cette semaine, en plus de nous installer, accomoder et adapter, a été de se donner en peu de jours, une vision à la fois panoramique et précise du projet. Comment en cinq jours découvrir le territoire, sa géographie, son histoire naturelle et humaine, et le processus Quindicocha, de manière claire et concise, pour des nouveaux arrivants ? 

Dès vendredi soir nous sommes réunis pour définir un certain nombre de thèmes à aborder, de sites à visiter, de questions à méditer, et de tâches à accomplir. Nous sommes entrés dans ce travail par l'expérience vécue, quotidienne, la rencontre, souvent fortuite, avec des acteurs territoriaux, ou organisée, avec des personnes ou familles impliquées dans le processus global, et intéressées par le Havre Ecologique.

Au cours de ces quelques jours il nous a été possible de récapituler et décortiquer de grands pans de l'histoire du processus qui a donné naissance à BYAE et au projet du centre environnemental. Et au fur et à mesure de nos discussions, nous avons constaté que, depuis sa conception, le Plan Vital n'a pas connu de véritable incarnation dans la communauté. Les absences répétées des porteurs de projet pour des raisons diverses, des changements structurels, n'ont pas permis son activation. Le Plan Vital, depuis quatre ans, est en suspens... 

Nous sommes allés à Buenoy mardi, le 23 septembre. Le jour était beau et chaud, propice à la marche, et en chemin nous avons commencé un petit repertoire des plantes utiles de la région. Buenoy, où est prévue la construction du Havre Ecologique, est aujourd'hui seulement occupé par quelques chevaux. Une fuite de grande importance au niveau de la prise d'acqueduc entraîne une déterioration du sol et du terrain qui à terme, par infiltration, peut entraîner un glissement de terrain, fréquents dans ces zones de pâturage de fort dénivelé où tous les arbres ont été enlevés. Premier problème...

Nous avons eu dans la montagne une longue conversation, à partir de la simple question : où allons-nous construire la maison? Buenoy comprend deux zones relativement planes où la construction peut être envisagée. Cette question où? comment? quand? nous a amené à étudier de près les conditions actuelles de mise en oeuvre du Plan Vital Quindicocha. 

Pour des raisons complexes – historiques, personnelles, structurelles – le projet du Havre Ecologique est actuellement soumis à un défaut de ressources humaines, auquel s'ajoute de grandes incertitudes quant à la sosténibilité de l'écovillage. L'agriculture, pour des raisons tout aussi complexes, ne peut pas vraiment être envisagée comme facteur de sosténibilité à court terme : expérience, temps, conditions climatiques, nature des sols, etc... C'est la raison pour laquelle le « support économique » de l'ecoaldea serait plutôt de nature touristique. Mais cela soulève le problème de la localisation de la maison, du centre lui-même, du lieu d'accueil : Buenoy est une terre isolée et relativement difficile d'accès. N'importe qui ne peut pas monter là haut... 

De questionnements en questionnements, voici où nous arrivons : nous sommes venus ici pour valider et mettre en oeuvre les conditions de coopération entre BYAE et Ainanocan. En une semaine nous avons jeté un éclairage nouveau et puissant sur la réalité du projet de la Fondation BYAE, qui à défaut de nous permettre cette validation, nous amène à découvrir la nature véritable et opératoire de notre alliance.

Je découvre que le projet de la mission et ses objectifs ont été montés avec une grande perspicacité, merci à nos assesseurs... Nous avons déjà commencé à faire ressortir les éléments déterminants pour la réussite ou l'échec du programme. Aujourd'hui, le problème majeur, voire grave d'un point de vue critique, est que la communauté qui doit supporter et bénéficier de ce projet est fictive, et ne connaît pas de système de communication réel. Mais fictive dans le cadre de ce projet ne signifie pas fictive dans la globalité du système. Disons plutôt que la communauté porteuse et bénéficaire du programme existe, mais qu'elle n'est plus intégrée. 

La validité du projet signifiait jusqu'à présent sa fiabilité administrative, économique, opérationnelle. Désormais, vérifier sa validité signifie plutôt vérifier que le Plan Vital est toujours signifiant au regard de la situation actuelle de la communauté.

La communauté Quindicocha existe sous deux angles. Le premier, en tant que population de cette région panamazonienne, vallée de Sibundoy et versants externes, soit 40.000 habitants. Le deuxième, en tant que regroupement de familles et de personnes se reconnaissant dans l'action de l'Ecole Environnementale Panamazonia (EAP) depuis 1992 et avant... Quindicocha est un nom, le nom antique et traditionnel de cette lagune riche de légendes et d'histoires. Au regard de ce qui vient d'être dit, le projet de coopération Ainanocan-BYAE consiste à permettre que l'une et l'autre de ces « communautés Quindicocha », l'une étant fractale et représentative de l'autre, se reconnaissent comme telles. 

Nous pourrions aussi dire qu'il y a deux niveaux de désintégration : la crise écologico-socio-culturelle décrite et caractérisée par l'EAP et le Plan Vital, et la crise de l'héritage de l'EAP. En quelque sorte, la Fondation BYAE souffre d'une crise de succession... Les groupes de l'EAP, destinés à être réintégrés et recomposés, réinvestis dans le Plan Vital, se sont au cours des quatre dernières années, séparés et orientés dans des directions divergentes – non contradictoires, ou bien sont entrés littéralement en conflit.  

Cela ouvre les portes d'un de nos objectifs principaux : contribuer au développement et à l'animation du lien social pour créer les conditions d'équilibre du Havre Ecologique. La communauté Quindicocha existe, le Plan Vital existe ainsi que ses principaux protagonistes : il ne nous reste qu'à les réinvoquer. Rappel du caractère primordial, prioritaire, du travail communautaire autour du projet Havre Ecologique, incluant les groupes de l'EAP, les communautés indiennes, artisans, taitas, autorités coutumières, et les autres acteurs territoriaux : société civile, institutions, paysans, citadins... Ré-ouvrir le projet à la population. 

Sans le travail communautaire, les ressources pour construire la maison ne seront pas obtenues, car Ainanocan n'a pas d'autre fonction que de soutenir un processus communautaire. Si ce travail est fait la maison se construira d'elle même, collectivement, et avec les ressources et outils nécessaires à son équilibre et sa pérennité. 

Cela consiste donc simplement en se souvenir de la raison d'être du Havre Ecologique. Mettre au monde Amarun...

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