J'y pense
Le 6 mai
dernier, aux informations de France Inter à neuf heures, on a pu
entendre l'information suivante, que je cite selon la dépêche de l'AP :
"211 corps ont été découverts dans des fosses communes au sud de la
Colombie, appartenant aux victimes des combat qui fait rage depuis des
dizaines d'années dans ce pays. On pense que ces charniers sont
nombreux dans le département du Putumayo."
Voilà en somme ce qui a été dit.
Après
la consternation et le dégoût que suscite chaque fois ce genre d'
"information", vinrent les questions suivantes : qui a découvert ces
charniers ? où précisément ? qui en sont les coupables présumés ?
Heureusement
que, deux jours plus tôt, avec une classe de troisième pour laquelle
j'intervenais dans un collège de Bretagne, pour parler du Plan Vital
Quindicocha ( et donc du Haut Putumayo... ) et des actions menées par
nos compagnons colombiens sur le front de la paix et de l'écologie,
pour parler de la forêt et des indiens, autant de thèmes sur lesquels
les élèves avaient travaillé toute l'année dans le cadre d'un projet
appelé "Miroir Indien", heureusement que je
les avais incité à la prudence concernant la situation en Colombie. Par
chance, par flair, par bon sens, je m'étais abstenu de prendre
position, ou même simplement de répondre, à leurs doutes, questions,
incompréhensions, et les avais enjoint à se méfier des choses
entendues. A bien comprendre que ceux qui simplifient cette situation
ont tort.
La simplification n'est pas seulement de réduire un
sujet à une vulgarisation imbécile, mais surtout de ne pas en mesurer
la gravité. Même les journalistes, qui font semblant, parce que c'est
leur métier, de livrer des infos cohérentes et en bloc, ne savent absolument pas
de quoi il en retourne, et finalement confondent un peu plus l'écoute
et la vivacité intellectuelle d'un auditoire qui ne peut que se dire,
c'est simple, en Colombie, tout le monde crève.
Il serait bon,
malgré la grande délicatesse qu'exige l'approche et l'analyse d'un tel
conflit, d'au moins en souligner vigoureusement la complexité (comme
l'ont fait Maribel Wolf et Maurice Lemoine, auteure et préfacier de La Colombie Ecartelée, excellent livre édité chez Terre des Hommes, que tous les journalistes devraient lire, afin de savoir au moins comment
faire passer de telles infos). Ne pourrait-on pas un jour, entendre
parler de la Colombie avec bon sens, avec mesure et compétence, sur les
grandes ondes ? N'est- ce pas du dédain, voire une insulte, envers les
combats qui sont menés sur le terrain pour la paix, que de ne signaler
que ça, des charniers, sans même en exprimer l'obscure
origine, la quotidienneté perfide, la symbolique dramatique d'un peuple
privé de tombe, de cimetière, de mémoire ?
PS : Vous pouvez trouver également cette information sur le site du Nouvel Obs, suivie par quelques réactions éloquentes, dont la pertinence est au moins celle de la confusion qui règne sur le sujet...