Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
AINANOCAN
Archives
Derniers commentaires
24 septembre 2007

Développement alternatif : l'histoire du lapin.

" Un jour, au coeur de la jungle épaisse, se tint une réunion.
Tous les grands animaux, le lion, la girafe, le tigre, l'anaconda, l'homme, l'éléphant, la hyène, le puma et la jaguar, le crapaud, l'aigle, la chauve-souris, et d'autres encore, tous étaient là, réunis pour décider du sort d'un animal malicieux, le lapin.
Ce maudit lapin passait en effet son temps à semer la zizanie et le désordre dans les jours des grands animaux. Farce après farce, jouant de ruse et d'espièglerie, il s'amusait de l'agacement des uns et des autres grands animaux, riant aux éclats tandis qu'il s'éclipsait...
Hérissés, grognons, enragés, excédés par ce petit animal farceur, les grands animaux en eurent assez.
Alors au cours de cette réunion, chacun proposa ce qu'il fallait faire de cet animal :
" - Je le dévore! dit le lion.
- Je le jette au loin! dit la girafe.
- Je le dévore! dit le tigre.
-Non! Moi! dit la hyène, qui se mit à se battre avec le puma et le jaguar et le coyote.
- Je l'empoisonne! dit le crapaud.
- Je l'emprisonne! dit l'homme.
- Je l'avale tout rond! dit l'anaconda.
- Je le piétine! dit l'éléphant.
Et chacun, à tour de rôle, dit ce qu'il fallait faire du lapin... Mais en somme, ils étaient d'accord. Il fallait l'éliminer, s'en débarrasser, le mettre hors d'état de nuire.
C'était son compter la ruse du lapin. Bien loin d'être un grand animal, le lapin s'était introduit, tout près derrière le tapir, dans cette réunion en son honneur. Et il entendit tout.

Alors il senfuit, et prêt à tout pour se tirer d'affaire, alla quérir ses meilleurs amis. Les petits animaux. Les insectes.
Il raconta aux fourmis, aux abeilles, aux termites, aux mouches et aux moustiques ce que les grands animaux comptaient faire de lui. Sans hésiter, les petits animaux convinrent d'un plan...

Décider à occire le lapin sans sommation, les grands animaux chargèrent le terrier. Ce fut le loup qui y entra le premier, aboyant et bavant avec folie. Soudain le silence se fit, et les grands animaux restèrent immobiles, surpris. Brutalement, le loup jaillit du terrier poursuivi et attaqué par une nuée immense d'abeilles, de guêpes et de moustiques, qui se jeta en un instant sur la foule des grands animaux. Les fourmis attaquèrent d'un côté, les termites de l'autre, mordant et piquant tout ce qu'elle trouvait à mordre et à piquer.
Paniqués, les grands animaux s'enfuirent plus vite qu'ils n'étaient arrivés.

Et le lapin riait aux éclats en voyant cette débâcle. "

Quelle sera donc la morale de cette histoire? Que l'union fait la force, oui. Mais encore. Que les petits sont plus nombreux et plus forts que les grands, oui. Sûrement. Mais aussi et surtout, que nous sommes tous des lapins. Enfin tous, j'entends ceux qui s'intéressent de près ou de loin à l'avenir de la planète et des êtres qui y vivent.
Ceux-là sont des lapins, rusés, et conscients de ce qu'est le monde des grands autant que le monde des petits... et qui doivent informer les uns de ce qui se trament chez les autres.

Ainanocan, avant d'être autre chose, voudrait être l'occasion d'apprendre à nous organiser, pour trouver des moyens de soigner la terre, de reconstruire, là où nous sommes, notre foyer.
Un compagnon Mindala disait un jour à ce sujet que très souvent nous ne faisons que poser un gant d'eau froide sur le front d'une Terre fiévreuse. Mais nous ne soignons pas la cause de cette fièvre.
Si l'on tend l'oreille à ce qui se passe aujourd'hui, et depuis quelque temps déjà, dans tous les domaines de l'activité humaine, il n'est pas difficile de comprendre que la civilisation moderne est en train de rompre le lien avec le vivant. Et désormais d'en officialiser, d'en légaliser, la rupture.
Sans le lien avec le vivant, l'humanité perd quatre choses : son identité, le lien avec le territoire qui peut la lui donner, et la responsabilité qui l'accompagne ; elle perd son autonomie, l'autosubsistance, la souveraineté alimentaire et sanitaire, bref, le bien être ; elle perd l'harmonie, car elle rompt des lois sacrées, elles mêmes fruits d'un ordre universel du vivant ; du coup, elle se sépare de la mémoire, de la tradition, de la permanence.

L'idéologie de la séparation, socle du monde marchand, nous projette vers la non-vie. Les quatre points cités plus haut sont les quatre problématiques que partout l'humanité expérimente, et auxquelles nous devons répondre pour avoir un chance de survie. Malheureusement, nous avons oublié que nous avons oublié.

En Colombie subsiste cette mémoire. Ils ont encore l'opportunité de sauver ce lien avec les traditions précolombiennes. Le Plan Vital est un exemple de ce travail.
Aprsè quinze années d'expérience, la communauté Quindicocha est parvenue à re-construire une véritable et authentique cosmovision, qui ressemble à la communauté vivant sur ce territoire, telle qu'elle est aujourd'hui, c'est à dire multiculturelle. Il ne s'agit pas pour eux de revenir à l'authentique tradition de l'un ou l'autre des peuples indigènes vivant là ; l'histoire a fait que leur culture, leur mémoire, s'est perdue en partie, mais surtout transformée. La survie des indiens et de leur culture, contrairement à d'autres cas qui exigent une absolue indépendance et autodétermination, passe ici par celle de toutes les communautés locales, et sans aucun doute par la préservation de leur territoire. Il est nécessaire de faire confluer toutes les sources de connaissance, ancestrales, actuelles, chamaniques, scientifiques, pour refonder une "pensée propre", une nouvelle culture autochtone, reliée à un territoire vivant, aujourd'hui.

Finalement, cette époque est pour nous l'opportunité d'une évolution. Certains peuples indiens en Amérique du Sud et ailleurs ont compris que la rencontre avec l'homme blanc n'était pas terminée, et qu'elle pouvait prendre un autre cours que celui qu'on connaît.
Le développement alternatif s'apparente moins au développement durable - un non-sens  - qu'à la décroissance.  La décroissance  appelle à une réconciliation avec les usages traditionnels. La tradition n'est pas réactionnaire, involutive, régressive, mais elle est la condition de l'évolution. Le progrès est une avancée folle à l'aveugle...
Quindicocha est un exemple, dans un pays "en voie de développement", de tentative de développement autre que celui imposé par l'hégémonie marchande. On n'a pas de quoi décroître là-bas, mais on a de quoi se développer autrement.
Dans bien d'autres exemples, les conditions changent, et les réponses diffèrent. Mais la racine est toujours la même : une action radicale est aujourd'hui celle de l'organisation planétaire d'actions territoriales, qui visent à reconstruire, redéfinir, recréer chaque jour le lien avec l'endroit où l'on vit, pour retrouver le lien avec le vivant, avec soi même, et ainsi faire la paix et être en paix avec les autres et le monde.

Nous sommes des universaux sans conscience locale. Les anciens étaient des locaux avec une conscience universelle. Etre local signifie avant tout ouvrir son coeur et entre en relation avec soi, car c'est en soi que se trouve toute chose.

Publicité
Commentaires
AINANOCAN
Publicité
AINANOCAN
Newsletter
Publicité